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Pierre Péquignat
Chef des commis d'Ajoie
Né à Courgenay en avril 1669, il était le fils de Pierre Picquegnat et de Marguerite née Lovis. Il épousa en l'année 1700 Marie Magdeleine Dermineur, fille de Nicolas.
On avait prédit partout que l'an mille, amènerait la fin du monde. Les timorés et les gens dont la conscience n'était pas tout à fait tranquille firent donation au clergé d'une partie de leurs biens, afin d'augmenter leur récompense dans le ciel. C'est ainsi que Rodolphe III de Bourgogne, fatigué par le pouvoir, donna l'abbaye de Moutier-Grandval à Adalbert III, qui devint, de ce fait, le premier prince-évêque de Bâle. Jusqu'au moment de la Réforme, l'évêque eut sa résidence à Bâle, mais, lorsque cette ville embrassa la nouvelle doctrine, il s'enfuit à Porrentruy et s'y installa en 1528. A cette époque, les finances étaient dans un pitoyable état. Ruinés par les guerres, les évêques se virent dans la nécessité d'engager une partie des villages pour garantir leurs dettes. Les comtes de Montbéliard achetèrent même, conditionnellement, la ville de Porrentruy et la gardèrent pendant 70 ans. C'est pendant qu'elle était sous leur domination que la comtesse Henriette octroya aux bourgeois les nouveaux privilèges que, plus tard, les commis d'Ajoie rèclamèrent avec tant d'acharnement. Pour se procurer les ressources nécessaires, on eut recours à l'impôt, dont tout le poids reposait sur les propriétaires et corvéables à merci. Christophe de Blarer, homme d'une énergie sans pareille, et d'un doux caractère, sut, pendant son règne, viser à l'économie, et rétablir l'ordre dans l'administration. Bon prince et bon évêque, il mourut regretté de ses sujets. Malheureusement, l'Ajoie, sous ses successeurs, redevint ce qu'elle était avant lui, plus pauvre que jamais. La peste, les invasions, le pillage, tout s'en mêla pour mettre le pays dans le dénuement le plus complet.
Lorsque Jean-Conrad de Reinach, affirmant son pouvoir absolu, eut promulgué les nouvelles ordonnances qui frappaient le peuple de charges toujours plus grandes, le mécontentement devint général. Les habitants de l'Ajoie se réunirent à Courgenay aux "Prés Genay" dans la nuit du 16 septembre 1730 et nommèrent des députés ou commis, chargés de revendiquer leurs droits. Dès lors commencèrent les troubles qui ne prirent fin qu'en 1740. Les commis Pierre Péquignat, Fridolin Lion de Coeuve et Jean-Pierre Riat de Chevenez, poussés par la population entière, se mirent à réclamer communication de la lettre de franchise de la comtesse Henriette, la bonne "tante Arie", comme on l'appelait, et à formuler leurs réclacamations. Cette charte, qui limitait la perception de l'impôt, s'était perdue, mais le peuple était plutôt porté à croire que ce précieux document se trouvait caché dans les archives du château. L'évêque jugea à propos de soumettre le différend à l'arbitrage du comte de Reichenstein, représentant de l'empereu d'Allemagne auprès des cantons suisses, espérant obtenir gain de cause. Contre toute attente, celui-ci reconnus le bien fondé des réclamations des paysans. Ces derniers excités par cette sympathie inattendue, dévastèrent les propriétés du baron de Ramschwag, conseiller de Jean Conrad, auquel ils attribuaient tous leurs malheurs, et se livrèrent à de grandes coupes de bois dans les forêts communales, ce qui était contraire aux ordonnances. On envoya les troupes pour s'emparer de Péquignat, qui avait pris la tête du mouvement, mais elles durent battre en retraite devant 1700 Ajoulots accourus au secours de leur chef. Les commis d'Ajoie portèrent plainte devant le tribunal impérial de Vienne, et déclarèrent que l'impôt ne serait payé qu'une fois la sentence rendue.
Aux autorités le respect des droits octroyés par la bonne Tante Arie. Ils exigèrent de leurs autorités qu'elles produisent la lettre de franchise faisant état de ces privilèges.
Péquignat, ayant failli tomber entre les mains des gardes du prince à la suite d'une deuxième tentative nocturne, eut dès lors, pour sa sécurité personnelle, une nombreuse escorte de cavaliers. Après cinq années de longue attente, les décisions des juges de Vienne furent enfin affichées dans les mairies d'Ajoie. Le peuple avait tort sur tous les points, était débouté de toutes ses réclamations, et sommé de rentrer immédiatement dans le devoir. On ne put croire à un pareil jugement, mais on fut bien obligé d'en prendre son parti, lorsque l'on sut que le roi de France Louis XV, sur la demande de l'évêque Jacques-Sigismond, le successeur de Jean-Conrad, envoyait des troupes dans la contrée pour réprimer le soulèvement. Péquignat tourna alors ses regards vers les cantons suisses, espérant obtenir gain de cause de ce côté-là. Il se rendit à Berne dans ce but avec ses collègues, mais, hélas! Il n'eut pas plus de succès auprès de la Diète helvétique qu'auprès du gouvernement impérial autrichien. Les commis quittèrent Berne, découragés et la mort dans l'âme. Arrivés à Bellelay, ils furent arrêtés par les émissaires de l'évêque, incarcérés à Saignelégier, puis transférés, étroitement enchaînés, à Porrentruy, le 2 mai 1740
Les prisons du château se remplirent d'une foule de détenus dont la plupart avaient été arrêtés sur la simple supposition d'avoir été mêlés directement ou indirectement au soulèvement. Pendant six mois, Péquignat eut à supporter les épreuves de l'instruction. On lui fit subir jusqu'à 2 interrogatoires par jour, et au cours du procès il dut répondre à 905 questions. Le procureur général avait réussi à trouver, pour les besoins de la cause, et pour arriver à convaincre ce noble vieillard du crime de lèse-majesté et de sédition, 35 chefs d'accusation. Malgré toutes les charges qu'on chercha à accumuler sur lui, Péquignat, qui avait toujours lutté contre l'adversité, travaillé et peiné jusqu'à la vieillesse, ne se laissa pas aller au découragement. Depuis qu'il avait été hissé à la tête des patriotes ajoulots, il n'avait cessé de se dévouer aux intérêts de son pays, et rien ne le fit dévier de sa ligne de conduite. Si parfois il s'était trompé, comme il l'avoua, il s'en repentit, et s'il n'avait pas été un sujet toujours docile du prince, il en demanda sincèrement pardon. N'est-ce pas là une franchise qui aurait dû émouvoir le cœur d'un évêque? Son crime n'était pas de ceux qui ne méritent aucun pardon, et pourtant, malgré la courageuse défense de l'avocat Rossé, qui sut dire aux juges la vérité et réfuter l'accusateur public, Péquignat fut condamné à mort, le 26 octobre. L'instruction dura six mois. Accusés de sédition et de crime de lèse-majesté, Péquignat, Lion et Riat furent condamnés à mort le 26 octobre.
Lion et Riat devaient subir le même sort. L'exécution eut lieu sur la place de l'hôtel de ville de Porrentruy, le 31 octobre 1740. La décapitation ne suffit pas. Le corps de la pauvre victime fut écartelé, et ses membres ensanglantés placés à l'entrée des mairies d'Ajoie, afin que le peuple comprenne que la révolte était écrasée et la vengeance de Jacques-Sigismond assouvie. Les biens des condamnés furent confisqués, puis vendus pour payer les frais du procès et de l'exécution.
Après l'écrasement des patriotes, les impôts s'appesantirent de plus en plus lourdement sur la population. Il fallait remettre les finances de l'évêché dans un meilleur état, et payer les sommes énormes qu'avait coûté l'occupation française. Les années de disete se succédèrent sans interruption. La révolution et les guerres qui suivirent virent combler la coupe d'amertume de notre pauvre Ajoie, en lui enlevant tout ce qui lui restait encore de bon et de valide. Les jeunes gens furent enrôlés dans les armées napoléonniennes, et bien rares furent ceux qui revirent leur patrie. Ce ne fut qu'après l'année 1815, une fois que la réunion de l'ancien évêché de Bâle à la Suisse fut un fait accompli, que le calme et l'aisance revinrent dans le pays.
Extrait de : A la mémoire de Pierre Péquignat
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